samedi 28 juin 2008

Telle grand'mère tel père.

Telle grand’mère tel père.

L’air imposant, les traits grands, beaux, fiers, cette redoutable grand’mère, impassible comme un parlement assemblé, avait une sensibilité exquise pour la beauté, à ce point qu’elle ne pouvait conserver à son service une personne qui n’eût au moins les traits réguliers et corrects. C’était chez elle la première condition de tout engagement. Elle aimait avec passion les tableaux, les gravures, dont ses appartements étaient remplis. Surtout elle avait une véritable idolâtrie pour la beauté dans la parole. Dans sa vieillesse, la terreur de l’enfer attrista ses derniers jours. La rigidité qu’elle avait eue pour les autres, elle l’exerça contre elle-même.

De cette première éducation, mon père garda la sévérité, non dans ses actions, qui ne furent jamais rigoureuses, mais dans ses regards, dans son attitude, dans ses paroles, par lesquels il tint ses enfants toujours à une grande distance de lui. N’ayant point connu les caresses, il ne les fit point connaître aux autres. Quoiqu’il eût embrassé toutes les idées nouvelles, il était resté l’homme d’un autre siècle, par l’austérité qu’il portait dans l’éducation. Encore n’avait-il retenu des anciens temps que le côté négatif, l’aversion de toute familiarité, mais non la rigueur des peines. Je ne craignais pas avec lui le châtiment, car il ne me punissait guère ; mais je redoutais sa froideur. Ses grands yeux bleus errants sur moi m’interdisaient sans qu’il parlât. Sa moquerie me glaçait ; je restais muet, immobile, sans savoir que craindre, mais avec la quasi-certitude de déplaire, et cette certitude me rendait désagréable pour lui seul, tant j’étais paralysé par son regard. Si j’eusse pu rompre cette glace et m’élancer vers lui, assurément, il m’eût bien reçu, non par démonstrations équivalentes, qui n’étaient pas dans sa nature, mais avec une bonté réelle. Et cette idée ne me vint jamais.

Edgar QUINET, Histoire d’un enfant, éd. Hachette & Cie 1903.

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vendredi 20 juin 2008

La valeur

La valeur

Un conférencier bien connu commence son séminaire en tenant bien haut un billet de 50 euros.
Il demande aux gens :
«Qui aimerait avoir ce billet ?»
Les mains commencent à se lever, alors il dit :
«Je vais donner ce billet de 50 euro à l’un d’entre vous, mais avant laissez-moi faire quelque chose avec.»
Il chiffonne alors le billet avec force et il demande :
«Est-ce que vous voulez toujours de ce billet ?»
Les mains continuent à se lever.
«Bon, d’accord, mais que se passera-t-il si je fais cela.»
Il jette le billet froissé par terre et saute à pieds joints dessus, l’écrasant autant que possible et le recouvrant des poussières du plancher. Ensuite il demande :
«Qui veut encore avoir ce billet ?»
Evidemment, les mains continuent de se lever.
«Mes amis, vous venez d’apprendre une leçon ... Peu importe ce que je fais avec ce billet, vous le voulez toujours parce que sa valeur n’a pas changé, il vaut toujours 50 euro.»
«Alors pensez à vous, à votre vie. Plusieurs fois dans votre vie vous serez froissé, rejeté, souillé, par les gens ou par les événements. Vous aurez l’impression que vous ne valez plus rien, mais en réalité, votre valeur n’aura pas changé aux yeux des gens qui vous aiment !»

Voici ce que cette histoire m’a inspiré et ce que je puis vous dire :

Si la vie n’a pas toujours été tendre avec vous, si les épreuves, les échecs, les contre temps vous ont rendu la vie difficile, sachez que vos qualités restent les mêmes, vos capacités sont réelles et quoi qu’il arrive, votre potentiel demeure toujours intact!
Christian Godefroy



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mardi 17 juin 2008

Une cathédrale du commerce

Une cathédrale du commerce

Un « cerveau invisible », diabolique, excelle dans l’art de la tentation, imagine sans cesse de nouvelles séductions qui aliènent l’individu et le rendent prisonnier de l’enfer étincelant d’Hyperpolis.

La jeune fille Tranquillité aurait voulu s’asseoir pour se reposer. Mais il n’y avait aucun siège à proximité. Seulement du parquet, plat, vitrifié, sur lequel les jambes allaient et venaient sans cesse. Ceux qui avaient conçu ce piège l’avaient bien fait. Pour qu’on ne s’échappe pas, pour qu’on marche, au milieu de tous les bruits et de toutes les lumières. Où étaient-ils les maîtres ? C’était terrible de sentir leur présence, sans savoir où ils étaient. C’était plus effrayant que dans un rêve, parce qu’ici il y avait tellement de lumière, de musique, tellement de visages, tellement de mots écrits. On n’était pas seul. On ne savait plus rien, dans toute cette vie.

Ce qui était terrible aussi, c’est de marcher à l’intérieur du cerveau d’un autre. La jeune fille tranquillité regardait toutes les rues, et tous ces comptoirs, ces signes écrits, et elle pensait qu’elle n’existait plus vraiment. Plus personne autour d’elle n’existait. La masse anonyme, compacte, n’avait plus de vie, ni de passé, ni de parole. Elle coulait le long des rainures, elle ouvrait les portes, elle montait le long des rampes et des escaliers roulants. Elle achetait, mangeait, buvait, fumait, comme cela, selon les ordres d’Hyperpolis, les appels, violents des affiches, les éclats des tubes de néon et aussi les voix douces qui disaient, tout près de l’oreille : « Cooool ».

C’étaient eux qui commandaient, en vérité. La jeune fille passait maintenant à travers la salle des nourritures, et elle voyait les boîtes bleues et blanches qui dansaient devant elle. Puis des carrés blancs, marqués d’un triangle rouge. Des boîtes de métal si belles et désirables que ses mains, malgré elles, se posaient dessus, caressaient les couvercles froids. Des paquets de biscuits, des paquets de chocolat au lait, des paquets de crème. Des tubes. Des berlingots de lait, torsades de cartons très belles et très compliquées. Des pots de carton de toutes les tailles et toutes les couleurs, qui contenaient sans doute la même chose. Personne ne voyait plus rien. On avançait comme en dormant à travers la jungle multicolore, on avançait à travers un immense nuage de papillons. On oubliait tout. La jeune fille Tranquillité aurait voulu tout saisir de ses mains. Elle aurait voulu entasser des milliers de boîtes dans un chariot à roulettes. C’était l’ordre qui venait jusqu’à elle, depuis les cachettes du sous-sol, depuis les cabines de plexiglas en haut des piliers, près du ciel.

Le Clezio, Les géants, Gallimard 1973, in Recueil de textes 3AS, IPN 1987

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lundi 16 juin 2008

Mes apprentissages

L’auteure, dans ses « apprentissages » raconte ses débuts de relations intimes…

Je n’ai guère approché, de ma vie, de ces hommes que les autres hommes appellent grands. Ils ne m’ont pas recherchée. Pour ma part je les fuyais, attristée que leur renommée ne les vît que pâlissants, soucieux déjà de remplir leur moule, de se ressembler, un peu roidis, un peu fourbus, demandant grâce en secret, et résolus à « faire du charme » en s’aidant de leur petitesse, lorsqu’ils ne forçaient pas, pour éblouir, leur lumière de déclin.

Si leur présence manque à ces « souvenirs », c’est que je suis coupable de leur avoir préféré des êtres obscurs, pleins d’un suc qu’ils défendaient, qu’ils refusaient aux sollicitations banales. Ceux qui soulevèrent, jusqu’à une sorte de passion, ma curiosité, n’étaient parfois indécis que sur la manière dont ils versaient leur essence la plus précieuse. Ils faisaient comme les gourmands qui tiennent en mépris le homard à l’américaine, parce qu’ils ne sont pas sûrs de le décortiquer proprement.

Colette, Mes apprentissages – Poche 1972

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samedi 14 juin 2008

Maître et esclave

Maître et esclave

Dieu dit au roi : « Je suis ton Dieu. Je veux un temple. »

C’est ainsi dans l’azur où l’astre le contemple,

Que Dieu parla ; du moins le prêtre l’entendit.

Et le roi vint trouver les captifs, et leur dit :

« En est-il un de vous qui sache faire un temple ?

─ Non, dirent-ils. ─ J’en vais tuer cent pour l’exemple,

Dit le roi. Dieu demande un temple en son courroux.

Ce que Dieu veut du roi, le roi le veut de vous.

C’est juste. »

C’est pourquoi l’on fit mourir cent hommes.

Alors un des captifs cria : « Sire, nous sommes

Convaincus. Faites-nous, roi, dans les environs,

Donner une montagne, et nous la creuserons.

─ Une caverne ? dit le roi. ─ Roi qui gouverne,

Dieu ne refuse point d’entrer dans les cavernes,

Dit l’homme, et ce n’est pas une rébellion

Que faire un temple à Dieu de l’antre du lion

─ Faites », dit le roi.

L’homme eut donc une montagne,

Et les captifs, traînant les chaînes de leur bagne,

Se mirent à creuser ce mont, nommé Galgal1 ;

Et l’homme était leur chef, bien qu’il fût leur égal,

Mais dans la servitude, ombre où rien ne pénètre,

On a pour chef l’esclave à qui parle le maître.

Ils creusèrent le mont Galgal profondément

Quand ils eurent fini, l’homme dit : « Roi clément

Vos prisonniers ont fait ce que le ciel désire ;

Mais ce temple est à vous avant d’être à Dieu, sire ;

Que votre Eternité daigne venir le voir.

─ J’y consens, répondit le roi. ─ Notre devoir,

Reprit l’humble captif prosterné sur les dalles,

Est d’adorer la cendre où marchent vos sandales ;

Quand vous plaît-il de voir notre œuvre ? ─ Sur-le-champ. »

Alors le maître et l’homme à ses pieds se couchant,

Furent mis sous un dais sur une plate-forme ;

Un puits était bouché par une pierre énorme,

La pierre fut levée, un câble hasardeux

Soutint les quatre coins du trône, et tous les deux

Descendirent au fond du puits, unique entrée

De la montagne à coups de pioches éventrée.

Quand ils furent en bas, le prince s’étonna.

« C’est de cette façon qu’on entre dans l’Etna2,

C’est ainsi qu’on pénètre au trou de la Sibylle3,

C’est ainsi qu’on aborde à l’Hadès4 immobile,

Mais ce n’est pas ainsi qu’on arrive au saint lieu.

─ Qu’on monte ou qu’on descende, on va toujours à Dieu,

Dit l’architecte, ayant comme un forçat la marque ;

Ô roi, soyez ici le bienvenu, monarque

Qui, parmi les plus grands et parmi les premiers

Rayonnez, comme un cèdre au milieu des palmiers

Règne, et comme Pathmos brille entre les Sporades.

─ Qu’est ce bruit ? dit le roi ─ Ce sont mes camarades

Qui laissent retomber le couvercle du puits.

─ Mais nous ne pourrons plus sortir. ─ Roi, vos appuis

Sont les astres, ô prince, et votre cimeterre

Fait reculer la foudre, et vous êtes sur terre

Le soleil, comme au ciel le soleil est le roi.

Que peut craindre ici-bas votre Hautesse ? ─ Quoi !

Plus d’issue ! ─ Ô grand roi, roi sublime, qu’importe !

Vous êtes l’homme à qui Dieu même ouvre la porte ».

Alors le roi cria : « Plus de jour, plus de bruit,

Tout est noir, je ne vois plus rien. Pourquoi la nuit

Est-elle dans ce temple ainsi qu’en une cave ?

Pourquoi ? ─ Parce que c’est ta tombe », dit l’esclave.

Victor HUGO, Le travail des captifs / La légende des siècles – Classiques Larousse 1971

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1. caverne en hébreu ; 2. volcan en Italie ; 3. porte qui mène aux enfers ; 4. L’enfer.

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