mercredi 30 juillet 2008

Du "Londres" dans Berlin

Du « Londres » dans Berlin.

Le narrateur, originaire de Pologne, suivait des études d’art dans l’atelier Herr Fackelmann, en Allemagne. Il cherchait une pension où séjourner…

A Schöneberg, dans le Hauptstrasse, entre le Lindenpark et le jardin botanique, je connaissais une pension délicieuse, où régnait le confort anglais. Le vestibule et le lounge s’y habillaient des enroulements de convolvuli et de jalap d’un papier peint William Morris à fond tendre ; une moquette à ramages y étouffait les pas. Quand cinq heures sonnaient au carillon Westminster, on y servait le thé – avec un nuage de lait -, dans des tasses commémoratives d’Edouard VII. C’est en y raccompagnant Miss Arabella Steward, une condisciple de l’atelier, que j’avais découvert la pension Atkins et que j’avais été aussitôt séduit par son ambiance exotique. Mrs Atkins, une quadragénaire affable et férue de small talk, s’était ingéniée à faire tenir entre les quatre murs de son établissement tout son patriotisme et toutes ses nostalgies. Elle avait ainsi créé un de ces havres pour exilés inacclimatables, véritables petites enclaves du pays d’origine en terre étrangère, comme il en existe, insoupçonnées, dans chaque capitale du monde. La pension Atkins me proposait un coin de Londres dans Berlin et le dépaysement imaginaire dans le dépaysement réel. Par ex tension, le quartier de Schöneberg alentour, aéré et verdoyant, m’évoquait celui de Kensington que je ne connaissais pas. Cette confusion géographique flattait en moi une disposition ambiguë dont j’ai souvent vérifié depuis la permanence, et qui veut que même dans les villes où je suis le plus heureux de me trouver, je ne déteste pas de me donner l’illusion que je suis ailleurs encore.

F.-Olivier ROUSSEAU, La gare de Wannsee, éd. Grasset 1988


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