mercredi 6 août 2008

La porporina

La Porporina.

Il y avait six ans qu’elle avait épousé André Sylvéal et elle songeait peut-être qu’elle n’avait que changer de cloître. Ils habitaient ce vieil et spacieux appartement de la rue Visconti depuis le lendemain de leur noce.

Il avait horreur du théâtre ; on ne l’invitait nulle part, il avait découragé toutes les tentatives ; il travaillait et recevait seulement quelques amis. Denise ne se plaignait pas, et André était persuadé que cette belle femme un peu froide partageait ses goûts. Sans doute elle n’était pas malheureuse, mais André seul était heureux. De quoi aurait-elle pu se plaindre ? ils possédaient quelques rentes ; son mari l’adorait, et elle l’aimait.

Des intimes venaient, dînaient, causaient dans les pièces tièdes et débordantes de livres… La tasse à ses lèvres trop rouges, elle buvait le thé lentement, en abaissant sur ses yeux noirs de lourdes paupières bistrées. Elle écoutait Lionel Descharmes qu’elle préférait à tous les autres et qui était le familier le plus assidu de la maison. Il avait la manie de baptiser les gens, et il appelait Denise la Porporina, depuis le soir où elle avait piqué dans ses cheveux une rose rouge, un soir où le Président de la République, après un dîner offert au roi d’Espagne, de passage à Paris, recevait à l’Elysée. Elle songeait souvent à ce gala. Elle était un peu intimidée et est très belle. Pour la première fois de sa vie, elle portait une robe décolletée qui montrait ses bras nus, ses épaules de marbre, les camélias secrets et chauds de sa gorge.

Léo Larguier / La trahison d’Eurydice – Le livre contemporain,1947

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