mercredi 3 juillet 2013

Le mari "zéro".

        Quand nous nous promenions le soir, il dirigeait lui-même la promenade; mais quelle qu'elle fût, il s'y était toujours ennuyé; de retour au logis, il mettait sur les autres le fardeau de sa lassitude; sa femme en avait été la cause en le menant contre son gré là où elle voulait aller; ne se souvenant plus de nous avoir conduits, il se plaignait d'être gouverné par elle dans les moindres détails de la vie, de ne pouvoir garder ni une volonté ni une pensée à lui, d'être un zéro dans sa maison.

Balzac, Le Lys dans la Vallée, G-F 1972 

dimanche 30 juin 2013

Madame la duchesse de Lenoncourt


Le comte de Mortsauf me présenta fort gracieusement à la duchesse, qui m’examina d’un air froid et réservé. Mme de Lenoncourt était alors une femme de cinquante-six ans, parfaitement conservée et qui avait de grandes manières. En voyant ses yeux d’un bleu dur, ses tempes rayées, son visage maigre et macéré, sa taille imposante et droite, ses mouvements rares, sa blancheur fauve qui se revoyait si éclatante dans sa fille, je reconnus la race froide d’où procédait ma mère, aussi promptement qu’un minéralogiste reconnaît le fer de Suède. Son langage était celui de la vieille cour, elle prononçait les oit en ait et disait frait pour froid, porteux au lieu de porteurs.

Balzac, Le Lys dans la Vallée, G-F, 1972.

vendredi 14 juin 2013

La marquise de Listomère


La marquise de Listomère était une grande dame cérémonieuse qui n’eut jamais la pensée de m’offrir un écu. Vieille comme une cathédrale, peinte comme une miniature, somptueuse dans sa mise, elle vivait dans son hôtel comme si Louis XV ne fût pas mort, et ne voyait que des vieilles femmes et des gentilshommes, société de corps fossiles où je croyais être dans un cimetière.

Balzac, Le Lys dans la vallée, Garnier-Flammarion, 1972.