Le Maire de Fort-National vient d’être assassiné (nov. 1955)
en Kabylie. L’adjoint, qui sera bientôt Maire par intérim, échange avec Mouloud Feraoun sur une mort « enviée ».
« Il est mort sans souffrir.
Le rêve de L.[l’adjoint] ! Mourir sans souffrir !
Sa hantise.
_ A soixante ans passés, c’est fini, on sait qu’on doit
mourir. Je ne dis pas le contraire, M.F.[Mouloud Feraoun]. Mais puis-je souffrir
moi ? Puis-je supporter la douleur
dans l’état où vous me voyez ? Voilà dans un sens une mort que j’envie.
_ N’exagérons rien M.L. [l’adjoint].
_ Non, non, je sais ce que je dis. Comprenez-moi, je veux
bien mourir dans mon lit, moi. Pas d’une balle au cœur. Ce serait affreux. Avec
tout ce sang. Si vous aviez vu tout ce sang. Tout petit qu’il [le Maire] était
pourtant. (…) Non c’est affreux. Moi ce qu’il me faudrait ? Une embolie.
Oui, c’est rapide. Mais si elle venait à mon insu, me surprendre pendant mon
sommeil, dans mon lit. Ça oui. »
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Mouloud Feraoun, Journal 1955-1962. Ed. Talantikit 2014. p.36
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