[Voltaire prend avec un quaker* un
repas frugal puis l’interroge sur sa religion : il évoque d’abord la
question du baptême, puis celle de la communion. Le quaker lui explique pour
quoi il refuse les sacrements. Puis il justifie l’attitude un peu déconcertante
des quakers dans la vie quotidienne.]
«Avoue, dit-il, que tu as bien eu de
la peine à t’empêcher de rire quand j’ai répondu à toutes tes civilités avec
mon chapeau sur la tête et en te tutoyant ; cependant tu me parais trop
instruit pour ignorer que du temps du Christ aucune nation ne tombait dans le
ridicule de substituer le pluriel au singulier. On disait à
César-Auguste : je t’aime, je te prie, je te remercie ;
il ne souffrait pas même qu’on l’appelât monsieur, dominus. Ce ne
fut que longtemps après lui que les hommes s’avisèrent de se faire appeler vous
au lieu de tu, comme s’ils étaient doubles, et d’usurper les titres
impertinents de grandeur, d’éminence, de sainteté, de divinité même, que des
vers de terre donnent à d’autres vers de terre, en les assurant qu’ils sont
avec un profond respect, et avec une fausseté infâme, leurs très humbles et
très obéissants serviteurs. C’est pour être plus sur nos gardes contre cet
indigne commerce de mensonges et de flatteries que nous tutoyons également les
rois et les charbonniers, que nous ne saluons personne, n’ayant pour les hommes
que la charité, et du respect que pour les lois. »
Nicole Masson, « Voltaire, A la
conquête de la Liberté », éd. Du Chêne 2015.
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http://www.quakersenfrance.org/
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