Des textes choisis au gré du goût et de la lecture. Quand on aime lire un texte, on doit normalement aimer le partager. "un grand-duc chasse seul" mais...
jeudi 19 avril 2018
Boulafras
La veuve "enchagrinée"
La chambre d'hôtel
mercredi 28 septembre 2016
Une mort "enviée"
mardi 24 mars 2015
Souvenir et conscience
dimanche 26 septembre 2010
Une enfance sans joie
Quel bric-à-brac et quel entassement ! Pourquoi faut-il à la plus simple vie tant d’accessoires ? Nous n’avions qu’une seule chambre. On y travaillait, on y mangeait, on y dormait, même certains soirs on y recevait les amis. Autour des murs, il avait fallu ranger deux lits, une table, deux armoires, un buffet, le tréteau du fourneau à gaz, accrocher les casseroles, les photographies de famille, celles du Czar et du Président de la république. Il y avait devant la cheminée un autre fourneau de fonte sur lequel fumait toujours une cafetière de terre jaune. Le fourneau avait encore ses quatre pattes, mais l’une d’elles ayant subi des dommages était entourée d’une grande considération. On la signalait aux nouveaux visiteurs, en les priant de ne point la heurter. Des ficelles couraient d’un coin à l’autre de la pièce sur lesquelles séchait toujours la dernière lessive. Une haute fenêtre donnait sur les jardins du père Bruant. Sous elle, on avait installé « l’atelier », la machine à coudre de ma mère, le bahut de mon père et un grand baquet d’eau dans lequel trempaient toujours des cambrures et des semelles. Une table ronde, dont baissait les battants les jours ordinaires, occupait le centre de la pièce. Mais la merveille de la maison, c’était la tablette de la cheminée ! Entre les fers à repasser, le réveille-matin, le filtre à café et la boîte à sucre, régnaient nos dieux, une petite croix noire avec son Christ argenté et une bonne vierge de faïence bleue à couronne jaune. Le Christ semblait pleurer sur nos malheurs ; la Bonne Vierge nous rendait l’espoir en dorlotant son enfançon. Il y avait aussi, dans des vases coloriés, des fleurs séchées si étranges que je n’en ai vu nulle part de pareilles. Un cousin, disait-on, les avait rapportées d’une colonie lointaine. Elles étaient toutes poussiéreuses ; on ne les touchait jamais, crainte de les effeuiller. Ainsi avions-nous part à la pitié, à la joie, à la beauté du monde. Toutes ces choses divines rayonnaient sur la cheminée.
J. Guéhenno. Journal d’un homme de 40 ans. Grasset
jeudi 11 septembre 2008
Bazin en mots
Bazin en mots
L’auteur, retrace sa vie à travers des mots « forts » qu’il classe en journal. Mais aussi avec lesquels il exprime ses idées et sa conception des choses. Ci-après, quelques-uns de ces mots...
Avortement
Qu’on soit pour ou contre, il faut bien le définir ainsi : la mort, mise au service de l’amour comme ultime moyen de contraception. J’ajoute que le massacre facultatif des innocents inachevés me paraît ni plus moral ni plus scandaleux que la participation de leurs frères –autorisés à naître- aux décimations de la guerre. Mais je suis bien obligé de constater que, jusqu’à six semaines, l’élimination d’un fœtus reste un manœuvre thérapeutique, que sa mère peut le faire disparaître en toute innocence, tandis que quinze jours plus tard elle serait passible des tribunaux. Angoissant, non ? Comme l’est aussi le fait de compter, parmi les plus farouches ennemis de la peine de mort, les plus chauds partisans de l’avortement.
Beauté
En plein épanouissement, c’est tout à fait la rose. Mais le rosier refleurira. Elle, jamais.
Ciguë
Persil du diable, fleurissant avec la même ombrelle que l’angélique. Il y en a parfois un pied ou deux qui s’aventurent dans mon jardin, je les laisse pousser un peu, je me sens flatté, je ne suis pas Socrate.
Défoulement
Si écrire, c’est « le moyen de ne pas être interrompu quand on parle », c’est aussi la seule façon d’être son propre psychanalyste en se couchant sur un divan de papier.
Mystère
« Il y a autant de mystère dans la science que dans la foi » (Lamennais). Oui, mais ce n’est pas du tout le même. La science, active, considère le mystère comme un mobile, en recul incessant ; la religion, passive, le tient pour une borne.
Tendresse
Le lait, dont je fus sevré. Ceux qui ont été caressé dans leur enfance n’imaginent pas à quel point ceux qui ne l’ont pas été l’envient, en restant incapables d’appartenir vraiment à la tribu des doux.
Hervé BAZIN, Abécédaire, éd. Grasset 1984
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