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dimanche 28 décembre 2008

La parade des sens

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« Il y aura un décès à conduire à l’amphi… »
Cette phrase, qui veut dire, « il y aura un cadavre à transporter à la morgue » est un excellent exemple de kiskose médical, parce qu’il inclut deux traits importants de ce langage.
Le premier, « décès » pour « cadavre », est la figure de rhétorique, aux confins de la synecdoque et de la métonymie, par laquelle un mot s’appliquant à une personne est remplacé par l’état correspondant à celle-ci : « Comment va la rougeole du treize ? » pour « Comment va la maladie du treize atteint de la rougeole ».
L’«amphi», pour désigner la morgue relève d’une autre démarche fréquente : le recours à un code, permettant aux membres du corps médial et des professions hospitalières de déjouer la curiosité des tiers concernés par les communications qui s’échangent en leur présence. On substitue à un mot significatif un équivalent connu, ou censé l’être, des seuls spécialistes. Ainsi la morgue devient l’« amphi » ou la « nécrops » et s’y rendre c’est aller « chez » ou « à Morganini », du nom d’un célèbre anatomiste italien. ; la mort elle-même n’est plus que l’« exitus », comme le syphilitique est « sigma » ou le tuberculeux « phi », le malade psychique « psi », la radio d’estomac un « transit », le contrôle d’un organe l’« épreuve dynamique », et lorsqu’on prononce en salle d’hôpital le mot de « vérification » seuls les initiés comprennent qu’il s’agit d’une autopsie.
Si vous ne voulez pas faire figure de profane en milieu médical, rappelez-vous qu’une « boutonnière » est une incision au bistouri, que la surface où repose le matériel du laboratoire est une « paillasse », que l’urinal est un « pistolet » et que le haricot est le récipient réniforme utilisé en salle de consultation et d’opération.
Robert BEAUVAIS, « Le français kiskose » - Fayard 1975