Demandez à un crapaud ce que c’est
que la beauté, le grand beau, le to kalon*. Il vous répondra que c’est sa
femelle avec deux gros yeux ronds sortant de sa petite tête, une gueule large
et plate, un ventre jaune, un dos brun. Interrogez un nègre de Guinée ; le
beau est pour lui une peau noire, huileuse, des yeux enfoncés, un nez épaté. Interrogez
le diable ; il vous dira que le beau est une paire de cornes, quatre
griffes et une queue. Consultez enfin les philosophes, ils vous répondront par
du galimatias** ; il leur faut quelque chose de conforme à l’archétype du
beau en essence, le to kalon.
(…) pour donner à quelque chose le
nom de beauté, il faut qu’elle vous cause de l’admiration et du plaisir.
Nicole Masson, « Voltaire, A la
conquête de la Liberté », éd. Du Chêne 2015.
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*le to kalon : le beau (en
grec).
** galimatias : discours ou
écrit embarrassé, inintelligible (Larousse).