Des textes choisis au gré du goût et de la lecture. Quand on aime lire un texte, on doit normalement aimer le partager. "un grand-duc chasse seul" mais...
dimanche 30 juin 2013
Madame la duchesse de Lenoncourt
vendredi 14 juin 2013
La marquise de Listomère
dimanche 17 octobre 2010
La Swann
vendredi 22 mai 2009
Nous aussi, hein ?...
Le matin, quand j’ai ouvert la porte-fenêtre qui donne sur la terrasse, Lorette gravit lentement les trois marches de l’escalier et, parvenue au haut de l’estrade, elle regarde le ciel à droite et à gauche, comme si elle jaugeait de l’œil l’horizon, avant de se tenir immobile dans une sorte de recueillement. On dirait qu’elle prie. Ce qui est incontestable, c’est la dignité, la solennité de son attitude.
Plus tard, ce matin, comme j’avais gagné dans le retiro ma place, à la table où j’écris, je la cherche des yeux. Elle avait disparu, mais c’était elle que j’entendais parler. Son langage était fait de plaintes basses et de petits cris aigus, sans rapport aucun avec l’aboiement, mais comparables, analogues aux balbutiements que font entendre les muets, quand leurs gestes sont dépassés par les émotions qu’ils cherchent à exprimer.
Je m’avance et je la surprends, la tête passée entre les balustres de la terrasse, en grande conversation avec le chien du coiffeur, un fox à poils durs qui faisait son Roméo au bas du terre-plein, comme elle au balcon, sa Juliette, à qui mieux mieux éperdus, désespérés de ne pouvoir bondir l’un vers l’autre.
Et je songeais au bienfait des abîmes qui empêchent les amants de se rejoindre, leur épargnant par là de tenir l’objet de leur convoitise pour ce qu’il est.
Marcel Jouhandeau, Animaleries, éd. Gallimard.
mercredi 6 août 2008
La porporina
.
Vous cherchez une bonne idée ?
Les 16 secrets de la réussite en affaires.
samedi 28 juin 2008
Telle grand'mère tel père.
Telle grand’mère tel père.
L’air imposant, les traits grands, beaux, fiers, cette redoutable grand’mère, impassible comme un parlement assemblé, avait une sensibilité exquise pour la beauté, à ce point qu’elle ne pouvait conserver à son service une personne qui n’eût au moins les traits réguliers et corrects. C’était chez elle la première condition de tout engagement. Elle aimait avec passion les tableaux, les gravures, dont ses appartements étaient remplis. Surtout elle avait une véritable idolâtrie pour la beauté dans la parole. Dans sa vieillesse, la terreur de l’enfer attrista ses derniers jours. La rigidité qu’elle avait eue pour les autres, elle l’exerça contre elle-même.
De cette première éducation, mon père garda la sévérité, non dans ses actions, qui ne furent jamais rigoureuses, mais dans ses regards, dans son attitude, dans ses paroles, par lesquels il tint ses enfants toujours à une grande distance de lui. N’ayant point connu les caresses, il ne les fit point connaître aux autres. Quoiqu’il eût embrassé toutes les idées nouvelles, il était resté l’homme d’un autre siècle, par l’austérité qu’il portait dans l’éducation. Encore n’avait-il retenu des anciens temps que le côté négatif, l’aversion de toute familiarité, mais non la rigueur des peines. Je ne craignais pas avec lui le châtiment, car il ne me punissait guère ; mais je redoutais sa froideur. Ses grands yeux bleus errants sur moi m’interdisaient sans qu’il parlât. Sa moquerie me glaçait ; je restais muet, immobile, sans savoir que craindre, mais avec la quasi-certitude de déplaire, et cette certitude me rendait désagréable pour lui seul, tant j’étais paralysé par son regard. Si j’eusse pu rompre cette glace et m’élancer vers lui, assurément, il m’eût bien reçu, non par démonstrations équivalentes, qui n’étaient pas dans sa nature, mais avec une bonté réelle. Et cette idée ne me vint jamais.
Edgar QUINET, Histoire d’un enfant, éd. Hachette & Cie 1903.
.
Vous cherchez une bonne idée ?
samedi 26 avril 2008
Portrait de Babbitt
Babbitt
[…] Il n’y avait pourtant rien de géant dans l’homme qui commençait à s’éveiller sur la véranda d’une maison de style colonial hollandais, dans le quartier de Zénith connu sous le nom de « Hauteur Fleuries ».
Il s’appelait George F. Babbitt, il avait, en ce mois d’avril 1920, quarante-six ans, et ne faisait rien de spécial, ni du beurre, ni des chaussures, ni des vers, mais était habile à vendre des maisons à un prix plus élevé que les gens ne pouvaient y mettre.
Sa tête, qu’il avait grosse, était rose, ses cheveux bruns, fins et secs. Sa figure gardait dans le sommeil quelque chose d’enfantin, en dépit de ses rides et des marques rouges laissées par ses lunettes de chaque côté de son nez. Il n’était pas gras mais extrêmement bien nourri ; ses joues étaient rebondies, et sur la couverture kaki reposait avec abandon une main potelée, légèrement bouffie. Il avait un air de prospérité, d’homme tout ce qu’il y a de plus marié et de moins romanesque […]
Vous cherchez une bonne idée ?
Les 16 secrets de la réussite en affaires.
vendredi 28 mars 2008
La weidencrantz
Une fille rougeaude, avec des cheveux en désordre qui lui balayaient la face, vint nous ouvrir. Nils lui demanda poliment à parler à l’une ou l’autre des demoiselles Weidencrantz. Tout en essuyant ses mains savonneuses contre son ventre, elle nous indiqua d’un mouvement de la tête une forme menue, tassée dans un fauteuil, à l’autre extrémité du vestibule obscur, puis elle disparut dans la cuisine dont elle fit claquer la porte.
Nos chapeaux à la main, nous avançâmes vers Mlle Weidencrantz qui demeurait, à notre approche, si immobile et si muette que l’idée qu’elle était peut-être morte me traversa l’esprit. Le regard de transe que je lui découvris me rassura paradoxalement sur l’état de sa santé. Mlle Clara Weidencrantz – nous allions apprendre son nom un peu plus tard – était une vieille poupée hagarde dont les grands yeux de porcelaine couleur vif-argent semblaient toujours, lorsque vous vous teniez devant elle, fascinés par une vision horrifiante surgie dans votre dos. Sa chevelure de noyée, d’un blanc-bleu, coulait jusqu’à sa taille, sa bouche peinte en cœur s’ourlait d’un trait de crayon à la mode des artistes du music-hall ; deux touches de rouge posaient sur son minois ratatiné, plus haut que n’aurait osé les situer la nature et quasiment aux coins des yeux, des pommettes luisantes. Par sa coiffure et son maquillage insolite, on comprenait que cette manière d’Ophélie jivaro espérer, sinon retenir, du moins rappeler le souvenir de la beauté éminemment poétique qui avait été la sienne sous le règne de Charles XV.
« Je suis Nils Rydqvist, dit Nils en s’inclinant devant elle, et voici mon ami Sven Oxenholm.. »
F. O. Rousseau
Vous cherchez une bonne idée ?
Les 16 secrets de la réussite en affaires.