dimanche 28 décembre 2008

La parade des sens

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« Il y aura un décès à conduire à l’amphi… »
Cette phrase, qui veut dire, « il y aura un cadavre à transporter à la morgue » est un excellent exemple de kiskose médical, parce qu’il inclut deux traits importants de ce langage.
Le premier, « décès » pour « cadavre », est la figure de rhétorique, aux confins de la synecdoque et de la métonymie, par laquelle un mot s’appliquant à une personne est remplacé par l’état correspondant à celle-ci : « Comment va la rougeole du treize ? » pour « Comment va la maladie du treize atteint de la rougeole ».
L’«amphi», pour désigner la morgue relève d’une autre démarche fréquente : le recours à un code, permettant aux membres du corps médial et des professions hospitalières de déjouer la curiosité des tiers concernés par les communications qui s’échangent en leur présence. On substitue à un mot significatif un équivalent connu, ou censé l’être, des seuls spécialistes. Ainsi la morgue devient l’« amphi » ou la « nécrops » et s’y rendre c’est aller « chez » ou « à Morganini », du nom d’un célèbre anatomiste italien. ; la mort elle-même n’est plus que l’« exitus », comme le syphilitique est « sigma » ou le tuberculeux « phi », le malade psychique « psi », la radio d’estomac un « transit », le contrôle d’un organe l’« épreuve dynamique », et lorsqu’on prononce en salle d’hôpital le mot de « vérification » seuls les initiés comprennent qu’il s’agit d’une autopsie.
Si vous ne voulez pas faire figure de profane en milieu médical, rappelez-vous qu’une « boutonnière » est une incision au bistouri, que la surface où repose le matériel du laboratoire est une « paillasse », que l’urinal est un « pistolet » et que le haricot est le récipient réniforme utilisé en salle de consultation et d’opération.
Robert BEAUVAIS, « Le français kiskose » - Fayard 1975



mardi 25 novembre 2008

Les chevaux et la chance

Un paysan vivait sobrement, aidé dans son travail par un fils d’une quinzaine d’années et par un cheval de cinq ans. Mais un jour, le cheval dans la nuit rompit son licol et disparut. Mis au courant, voisins et amis vinrent dire en chœur au paysan : « Tu n’as pas de chance ». A quoi, celui-ci répondit : « Qu’en savez-vous ? ».

Il voyait juste ! Cinq jours après son escapade, le cheval revenait, mais escorté par dix chevaux sauvages qu’il avait entraînés avec lui. Cette fois, les amis et voisins s’empressèrent d’aller dire au paysan : « Mais tu as beaucoup de chance ! ». L’intéressé leur répondit encore : « Qu’en savez-vous ? ».

Effectivement, après avoir nourri les poulains sauvages, le fils du paysan voulut commencer à les apprivoiser. Mais l’un d’entre eux, d’une brusque ruade, lui cassa la jambe. Désolé, le chœur de l’amitié et du voisinage vint tristement témoigner au père : « Vous n’avez donc pas de chance ? ». A nouveau, celui-ci répliqua : « Qu’en savez-vous ? ».

Il entendait juste ! Une troupe de soldats faisait de suite irruption et à grands coups de bottes et de cravaches, ils enrôlaient de force tous les jeunes du village. Mais ils laissèrent à son père le jeune à la jambe cassée auquel on fabriqua ensuite une attelle, en sorte qu’il put rendre suffisamment de services. Ceci incita voisins et amis à revenir, eux-mêmes éplorés, dire au père et au fils : « On vous envie votre chance ». Une fois encore, le père fit remarquer : « Qu’en savez-vous ? ».

De fait, au bout de cinq jours, une bande de brigands vint terroriser le village, et s’emparèrent des dix chevaux sauvages. Après leur départ, les amis puis les voisins vinrent exprimer leurs condoléances : « C’est vrai que ce n’est pas de chance ». Imperturbable, le paysan fit encore observer : « Qu’en savez-vous ? ».

Dans les journées qui suivirent, en effet, pris en chasse par les soldats, les brigands abandonnèrent les chevaux sauvages qui retournèrent vers le paysan, son fils et leur congénère.

Mais comme les choses se répétaient et pouvaient durer indéfiniment, cette fois, ce fut le paysan qui prit les devants et alla haranguer amis et voisins : « Pas plus qu’aucune chance n’est définitive, aucune malchance ne peut indéfiniment se perpétuer », observa-t-il. « Puisque nous ne pouvons nous fier aux chances qui nous adviennent, sachons aussi supporter les malchances qui nous tombent dessus : elles ne durent pas non plus. Mais le bon cheval, malgré ses écarts, nous garantit la chance. »

François Muller dans le web pédagogique


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dimanche 16 novembre 2008

Les cailloux de la vie

Un jour, un vieux professeur de l'École Nationale d'Administration
Publique (ENAP) fut engagé pour donner une formation sur la
planification efficace du temps à un groupe d'une quinzaine de
dirigeants de grosses compagnies nord-américaines.

Ce cours constituait l'un des 5 ateliers de leur journée de
formation. Le vieux prof n'avait donc qu'une heure pour "faire
passer sa matière ".

Debout, devant ce groupe d'élite (qui était prêt à noter tout
ce que l'expert allait lui enseigner), le vieux prof les regarda
un par un, lentement, puis leur dit : "Nous allons réaliser une
expérience".

De dessous la table qui le séparait de ses élèves, le vieux prof
sortit un immense pot de verre de plus de 4 litres qu'il posa
délicatement en face de lui. Ensuite, il sortit environ une douzaine
de cailloux a peu près gros comme des balles de tennis et les plaça
délicatement, un par un, dans le grand pot. Lorsque le pot fut
rempli jusqu'au bord et qu'il fut impossible d'y ajouter un caillou
de plus, il leva lentement les yeux vers ses élèves et leur demanda :

"Est-ce que ce pot est plein?".

Tous répondirent : "Oui".

Il attendit quelques secondes et ajouta : "Vraiment ?".

Alors, il se pencha de nouveau et sortit de sous la table un
récipient rempli de gravier. A
vec minutie, il versa ce gravier sur
les gros cailloux puis brassa légèrement le pot. Les morceaux de
gravier s'infiltrèrent entre les cailloux... jusqu'au fond du pot.

Le vieux prof leva à nouveau les yeux vers son auditoire et
réitéra sa question :

"Est-ce que ce pot est plein?". Cette fois, ses brillants élèves
commençaient à comprendre son manège.

L'un d'eux répondît: "Probablement pas !".

"Bien !" répondît le vieux prof.

Il se pencha de nouveau et cette fois, sortit de sous la table
un sac de sable. Avec attention, il versa le sable dans le pot.
Le sable alla remplir les espaces entre les gros cailloux et le
gravier. Encore une fois, il redemanda : "Est-ce que ce pot
est plein ?".

Cette fois, sans hésiter et en choeur, les brillants élèves
répondirent :

"Non!".

"Bien!" répondît le vieux prof.

Et comme s'y attendaient ses prestigieux élèves, il prit le
pichet d'eau qui était sur la table et remplit le pot jusqu'a ras
bord. Le vieux prof leva alors les yeux vers son groupe et demanda :

"Quelle grande vérité nous démontre cette expérience? "

Pas fou, le plus audacieux des élèves, songeant au sujet de ce
cours, répondît : "Cela démontre que même lorsque l'on croit que
notre agenda est complètement rempli, si on le veut vraiment,
on peut y ajouter plus de rendez-vous, plus de choses à faire ".

"Non" répondît le vieux prof. "Ce n'est pas cela. La grande
vérité que nous démontre cette expérience est la suivante :

"Si on ne met pas les gros cailloux en premier dans le pot,
on ne pourra jamais les faire entrer tous, ensuite".

Il y eut un profond silence, chacun prenant conscience de
l'évidence de ces propos.

Le vieux prof leur dit alors : "Quels sont les gros cailloux
dans votre vie ?"

"Votre santé ?"

"Votre famille ?"

"Vos ami(e)s ?"

"Réaliser vos rêves ?"

"Faire ce que vous aimez ?"

"Apprendre ?"

"Défendre une cause ?"

"Vous relaxer ?"

"Prendre le temps... ?"

"Ou... tout autre chose ?"

"Ce qu'il faut retenir, c'est l'importance de mettre ses GROS
CAILLOUX en premier dans sa vie, sinon on risque de ne pas
réussir... sa vie. Si on donne priorité aux peccadilles (le gravier,
le sable), on remplira sa vie de peccadilles et on n'aura plus
suffisamment de temps précieux à consacrer aux éléments importants
de sa vie.


Leçon passée, d'un geste amical de la main, le vieux professeur salua son
auditoire et quitta lentement la salle.

Christian Godefroy, www.club-positif.com





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L'apprentissage à deux vitesses

Certaines techniques audio-visuelles de pointe ont d’autres ambitions que celles de constituer de simples documents : elles tendent à devenir de véritables aide-moniteurs. Il y a une dizaine d’années*, certains enseignants ont réagi face à l’irruption des auxiliaires audi-visuels perfectionnés comme les ouvriers du XIXè siècle au seuil de l’ère de la machine : ils ont prophétisé que ces techniques modernes allaient un jour chasser le professeur de sa classe, et se substituer à lui. Cette crainte est puérile : il existe fort peu de cas où l’auto-enseignement entièrement automatisé semble possible, et c’est toujours lorsqu’il s’agit de ne transmettre que des connaissances, jamais lorsqu’il s’agit de faire acquérir un comportement nouveau, surtout si celui-ci est complexe, donc partiellement imprévisible. Mais il est vrai que le laboratoire de langues, le circuit fermé de télévision, et certaines techniques d’enseignement programmé, pour ne citer que ces trois exemples, tendent progressivement à devenir de véritables auxiliaires du professeur, en permettant à l’élève de travailler seul en suivant les instructions de la machine, pendant une partie du temps d’apprentissage.

* avant 1972

j.-M. Gabaude, La pédagogie contemporaine, éd. Privat 1972



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dimanche 2 novembre 2008

La jarre abîmée

La jarre abîmée

Un porteur d'eau indien avait deux grandes jarres, suspendues aux 2 extrémités d'une pièce de bois qui épousait la forme de ses épaules.

L'une des jarres avait un éclat, et, alors que l'autre jarre conservait parfaitement toute son eau de source jusqu'à la maison du maître, l'autre jarre perdait presque la moitié de sa précieuse cargaison en cours de route.

Cela dura 2 ans, pendant lesquels, chaque jour, le porteur d'eau ne livrait qu'une jarre et demi d'eau à chacun de ses voyages. Bien sûr, la jarre parfaite était fière d'elle, puisqu'elle parvenait à remplir sa fonction du début à la fin sans faille. Mais la jarre abîmée avait honte de son imperfection et se sentait déprimée parce qu'elle ne parvenait à accomplir que la moitié de ce dont elle était censée être capable.

Au bout de 2 ans de ce qu'elle considérait comme un échec permanent, la jarre endommagée s'adressa au porteur d'eau, au moment où celui-ci la remplissait à la source.

« Je me sens coupable, et je te prie de m'excuser.

- Pourquoi, demanda le porteur d'eau, de quoi as-tu honte ?
- Je n'ai réussi qu'à porter la moitié de ma cargaison d'eau à notre maître, pendant ces 2 ans, à cause de cet éclat qui fait fuir l'eau. Par ma faute, tu fais tous ces efforts, et, à la fin, tu ne livres à notre maître que la moitié de l'eau. Tu n'obtiens pas la reconnaissance complète de tes efforts, lui dit la jarre abîmée.


Le porteur d'eau fut touché par cette confession, et, plein de compassion, répondit: « Pendant que nous retournons à la maison du maître, je veux que tu regardes les fleurs magnifiques qu'il y a au bord du chemin ».
Au fur et à mesure de leur montée sur le chemin, au long de la colline, la vieille jarre vit de magnifiques fleurs baignées de soleil sur les bords du chemin, et cela lui mit du baume au coeur. Mais à la fin du parcours, elle se sentait toujours aussi mal parce qu'elle avait encore perdu la moitié de son eau.
Le porteur d'eau dit à la jarre :

« T'es-tu rendu compte qu'il n'y avait de belles fleurs que de ton côté, et presque aucune du côté de la jarre parfaite ? C'est parce que j'ai toujours su que tu perdais de l'eau, et j'en ai tiré parti. J'ai planté des semences de fleurs de ton coté du chemin, et, chaque jour, tu les arrosais tout au long du chemin. Pendant 2 ans, j'ai pu grâce à toi cueillir de magnifiques fleurs qui ont décoré la table du maître. Sans toi, jamais je n'aurais pu trouver des fleurs aussi fraîches et gracieuses. »


Morale de l'histoire:

Nous avons tous des éclats, des blessures, des défauts. Nous sommes tous des jarres abîmées. Certains d'entre nous sont diminués par la vieillesse, d'autres ne brillent pas par leur intelligence, d'autres trop grands, trop gros ou trop maigres, certains sont chauves, d'autres sont diminués physiquement, mais ce sont les éclats, les défauts en nous qui rendent nos vies intéressantes et exaltantes.

Il vaut mieux prendre les autres tels qu'ils sont, et voir ce qu'il y a de bien et de bon en eux. Il y a beaucoup de bon et de positif partout. Ceux qui sont flexibles ont la chance de ne pas pouvoir être déformés.

Souvenez-vous d'apprécier tous les gens si différents qui peuplent votre vie ! Sans eux, la vie serait bien triste.


Christian GODEFROY

www.club-positif.com




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samedi 1 novembre 2008

Le mulet de l'apprentissage

Le mulet de l’apprentissage

Enseigner c’est communiquer un savoir, un savoir-faire et surtout un savoir chercher. Eduquer c’est favoriser la formation et l’évolution d’une personnalité. La pédagogie semble unir ces deux tâches. Elle constitue un effort éducatif de communication et de formation. Ces derniers temps, le développement de cet effort prend de plus en plus d’importance. Ceci sans doute en raison d’une scolarisation prolongée, et aussi grâce à un large renouvellement des méthodes. Mais la raison essentielle de l’attention accordée à la pédagogie tient à ses difficultés. Ce sont en fait les obstacles à la communication, les malentendus et les rencontres manquées qui nous imposent l’inquiétude pédagogique.

Extrait du texte intégral de « La pédagogie contemporaine » de J-Marc Gabaude, éd. Privat 1972




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vendredi 31 octobre 2008

Curieux non ?

CURIOSITÉS JUDICIAIRES ET HISTORIQUES DU MOYEN ÂGE.
PROCÈS CONTRE LES ANIMAUX.

Les singularités judiciaires sont nombreuses et variées au moyen âge, et souvent les magistrats interviennent dans des circonstances si bizarres, que nous avons peine à comprendre, de nos jours, comment ces graves organes de la justice ont pu raisonnablement figurer dans de telles affaires.

Toutefois notre but n'est pas de critiquer ici des usages plus ou moins absurdes, mais d'en constater simplement l'existence. Nous bornons notre rôle à raconter les faits, sauf au lecteur à en tirer lui-même les conséquences.

Plusieurs siècles nous séparent de l'époque dont nous cherchons à étudier les mœurs et les idées, qui forment avec les nôtres de si étranges disparates; aussi n'est-ce qu'après de scrupuleuses recherches faites dans les ouvrages des jurisconsultes et des historiens les plus respectables, que nous avons osé présenter cette rapide esquisse.

Au moyen âge on soumettait à l'action de la justice tous les faits condamnables de quelque être qu'ils fussent émanés, même des animaux.

L'histoire de la jurisprudence nous offre à cette époque de nombreux exemples de procès dans lesquels figurent des taureaux, des vaches, des chevaux, des porcs, des truies, des coqs, des rats, des mulots, des limaces, des fourmis, des chenilles, sauterelles, mouches, vers et sangsues.

La procédure que l'on avait adoptée pour la poursuite de ces sortes d'affaires revêtait des formes toutes spéciales; cette procédure était différente, suivant la nature des animaux qu'il s'agissait de poursuivre.

Si l'animal auteur d'un délit—tel par exemple qu'un porc, une truie, un bœuf—peut être saisi, appréhendé au corps, il est traduit devant le tribunal criminel ordinaire, il y est assigné personnellement; mais s'il s'agit d'animaux sur lesquels on ne peut mettre la main, tels que des insectes ou d'autres bêtes nuisibles à la terre, ce n'est pas devant le tribunal criminel ordinaire que l'on traduira ces délinquants insaisissables, mais devant le tribunal ecclésiastique, c'est-à-dire devant l'officialité.

En effet que voulez-vous que fasse la justice ordinaire contre une invasion de mouches, de charançons, de chenilles, de limaces? elle est impuissante à sévir contre les dévastations causées par ces terribles fléaux; mais la justice religieuse, qui est en rapport avec la Divinité, saura bien atteindre les coupables; elle en possède les moyens: il lui suffit de fulminer l'excommunication.

Tels étaient, en matière de procès contre les animaux, les principes admis par les jurisconsultes du moyen âge. Arrivons maintenant à la preuve de cette assertion.

Parlons d'abord des procès poursuivis contre les animaux devant la justice criminelle ordinaire.

Comme on le voit encore de nos jours dans certaines localités, les porcs et les truies, au moyen âge, couraient en liberté dans les rues des villages, et il arrivait souvent qu'ils dévoraient des enfants; alors on procédait directement contre ces animaux par voie criminelle. Voici quelle était la marche que suivait la procédure:

On incarcérait l'animal, c'est-à-dire le délinquant, dans la prison du siège de la justice criminelle où devait être instruit le procès. Le procureur ou promoteur des causes d'office, c'est-à-dire l'officier qui exerçait les fonctions du ministère public auprès de la justice seigneuriale, requérait la mise en accusation du coupable. Après l'audition des témoins et vu leurs dépositions affirmatives concernant le fait imputé à l'accusé, le promoteur faisait ses réquisitions, sur lesquelles le juge du lieu rendait une sentence déclarant l'animal coupable d'homicide, et le condamnait définitivement à être étranglé et pendu par les deux pieds de derrière à un chêne ou aux fourches patibulaires, suivant la coutume du pays.

Du treizième au seizième siècle, les fastes de la jurisprudence et de l'histoire fournissent de nombreux exemples sur l'usage de cette procédure suivie contre des pourceaux et des truies qui avaient dévoré des enfants, et qui, pour ce fait, étaient condamnés à être pendus.

L'exécution était publique et solennelle; quelquefois l'animal paraissait habillé en homme. En 1386 une sentence du juge de Falaise condamna une truie à être mutilée à la jambe et à la tête, et successivement pendue pour avoir déchiré au visage et au bras et tué un enfant. On voulut infliger à l'animal la peine du talion. Cette truie fut exécutée sur la place de la ville, en habit d'homme; l'exécution coûta dix sous dix deniers tournois, plus un gant neuf à l'exécuteur des hautes œuvres. L'auteur de l'Histoire du duché de Valois, qui rapporte le même fait, ajoute que ce gant est porté sur la note des frais et dépens pour une somme de six sous tournois, et que dans la quittance donnée au comte de Falaise par le bourreau, ce dernier y déclare qu'il s'y tient pour content et qu'il en quitte le roi notre sire et ledit vicomte. Voilà une truie condamnée bien juridiquement!

On procédait aussi par les mêmes voies judiciaires contre les taureaux coupables de meurtres. Ecoutons l'auteur de l'Histoire du duché de Valois, qui rapporte le fait suivant:

«Un fermier de village de Moisy laissa échapper un taureau indompté. Ce taureau ayant rencontré un homme, le perça de ses cornes; l'homme ne survécut que quelques heures à ses blessures. Charles, comte de Valois, ayant appris cet accident au château de Crépy, donna ordre d'appréhender le taureau et de lui faire son procès. On se saisit de la bête meurtrière. Les officiers du comte de Valois se transportèrent sur les lieux pour faire les informations requises; et sur la déposition des témoins ils constatèrent la vérité et la nature du délit. Le taureau fut condamné à être pendu. L'exécution de ce jugement se fit aux fourches patibulaires de Moisy-le-Temple. La mort d'une bête expia ainsi celle d'un homme.

«Ce supplice ne termina pas la scène. Il y eut appel de la sentence des officiers du comte, comme juges incompétents, au parlement de la Chandeleur de 1314. Cet appel fut dressé au nom du procureur de l'hôpital de la ville de Moisy. Le procureur général de l'ordre intervint. Le parlement reçut plaignant le procureur de l'hôpital en cas de saisine et de nouvelleté, contre les entreprises des officiers du comte de Valois. Le jugement du taureau mis à mort fut trouvé fort équitable; mais il fut décidé que le comte de Valois n'avait aucun droit de justice sur le territoire de Moisy, et que les officiers n'auraient pas dû y instrumenter.»

Christian Godefroy

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jeudi 30 octobre 2008

Les gens pressés

Les gens pressés.

C'était une femme originale et solitaire. Elle entretenait un commerce étroit avec les esprits, épousait leurs querelles et refusait de voir certaines personnel de sa famille mal considérées dans le monde où elle se réfugiait.

Un petit héritage lui échut qui venait de sa soeur. Ces cinq mille francs, arrivés à la fin d'une vie, se révélèrent assez encombrants. II fallait les placer. Si presque tous les hommes sont capables de se servir d'une grosse fortune, la difficulté commence quand la somme est petite. Cette femme resta fidèle à elle-même. Près de la mort, elle voulut abriter ses vieux os. Une véritable occasion s'offrait à elle. Au cimetière de sa ville, une concession venait d'expirer et, sur ce terrain, les propriétaires avaient érigé un somptueux caveau, sobre de lignes, en marbre noir, un vrai trésor à tout dire, qu'on lui laissait pour la somme de quatre mille francs. Elle acheta ce caveau. C'était là une valeur sûre, à l'abri des fluctuations boursières et des événements politiques. Elle fit aménager la fosse intérieure, la tint prête à recevoir son propre corps. Et, tout achevé, elle fit graver son nom en capitales d'or.

Cette affaire la contenta si profondément qu'elle fut prise d'un véritable amour pour son tombeau. Elle venait voir au début les progrès des travaux. Elle finit par se rendre visite tous les dimanches après-midi. Ce fut son unique sortie et sa seule distraction. Vers deux heures de l'après-midi, elle faisait le long trajet qui l'amenait aux portes de la ville où se trouvait le cimetière. Elle entrait dans le petit caveau, refermait soigneusement la porte, et s'agenouillait sur le prie- Dieu. C'est ainsi que, mise en présence d'elle-même, confrontant ce qu'elle était et ce qu'elle devait être, retrouvant l'anneau d'une chaîne toujours rompue, elle perça sans effort les desseins secrets de la Providence. Par un singulier symbole, elle comprit même un jour qu'elle était morte aux yeux du monde. A la Toussaint, arrivée plus tard que d'habitude, elle trouva le pas de la porte pieusement jonché de violettes. Par une délicate attention, des inconnus compatissants devant cette tombe laissée sans fleurs, avaient partagé les leurs et honoré la mémoire de ce mort abandonné à lui-même.

Ce n'est pas l'important si je pense à cette femme dont on me racontait l'histoire. Elle allait mourir et sa fille l'habilla pour la tombe pendant qu'elle était vivante. I1 paraît en effet que la chose est plus facile quand les membres ne sont pas raides. Mais c'est curieux tout de même comme nous vivons parmi des gens pressés.

Albert Camus, L’envers et l’endroit.


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mardi 7 octobre 2008

L'argent, et après ??

L’argent, ce qu’on veut, et ce dont on a besoin…

L'argent peut acheter le plaisir... mais pas l'amour;

On peut acheter un spectacle....... mais pas la joie;

On peut acheter un esclave......... mais pas un ami;

On peut acheter une femme.......... mais pas une épouse;

On peut acheter une maison......... mais pas un foyer;

On peut acheter des aliments....... mais pas l'appétit;

On peut acheter des médicaments.... mais pas la santé;

On peut acheter des diplômes....... mais pas la culture;

On peut acheter des gardes du corps mais pas la sécurité;

On peut acheter des livres......... mais pas l'intelligence;

On peut acheter des tranquillisants mais pas la paix;

On peut acheter des indulgences.... mais pas le pardon;

On peut acheter la terre........... mais pas le ciel.


Quelqu’un a dit : « Il ne faut pas regretter ce que vous ne pouvez pas réparer. »

Rapporté par Christian Godefroy

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jeudi 11 septembre 2008

Bazin en mots

Bazin en mots

L’auteur, retrace sa vie à travers des mots « forts » qu’il classe en journal. Mais aussi avec lesquels il exprime ses idées et sa conception des choses. Ci-après, quelques-uns de ces mots...

Avortement

Qu’on soit pour ou contre, il faut bien le définir ainsi : la mort, mise au service de l’amour comme ultime moyen de contraception. J’ajoute que le massacre facultatif des innocents inachevés me paraît ni plus moral ni plus scandaleux que la participation de leurs frères –autorisés à naître- aux décimations de la guerre. Mais je suis bien obligé de constater que, jusqu’à six semaines, l’élimination d’un fœtus reste un manœuvre thérapeutique, que sa mère peut le faire disparaître en toute innocence, tandis que quinze jours plus tard elle serait passible des tribunaux. Angoissant, non ? Comme l’est aussi le fait de compter, parmi les plus farouches ennemis de la peine de mort, les plus chauds partisans de l’avortement.

Beauté

En plein épanouissement, c’est tout à fait la rose. Mais le rosier refleurira. Elle, jamais.

Ciguë

Persil du diable, fleurissant avec la même ombrelle que l’angélique. Il y en a parfois un pied ou deux qui s’aventurent dans mon jardin, je les laisse pousser un peu, je me sens flatté, je ne suis pas Socrate.

Défoulement

Si écrire, c’est « le moyen de ne pas être interrompu quand on parle », c’est aussi la seule façon d’être son propre psychanalyste en se couchant sur un divan de papier.

Mystère

« Il y a autant de mystère dans la science que dans la foi » (Lamennais). Oui, mais ce n’est pas du tout le même. La science, active, considère le mystère comme un mobile, en recul incessant ; la religion, passive, le tient pour une borne.

Tendresse

Le lait, dont je fus sevré. Ceux qui ont été caressé dans leur enfance n’imaginent pas à quel point ceux qui ne l’ont pas été l’envient, en restant incapables d’appartenir vraiment à la tribu des doux.

Hervé BAZIN, Abécédaire, éd. Grasset 1984

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vendredi 5 septembre 2008

Les enchantements de la lecture

Les enchantements de la lecture.

Un livre a toujours été pour moi un ami, un conseil, un consolateur éloquent et calme, dont je ne voulais pas épuiser vite les ressources et que je gardais pour les grandes occasions. Oh ! quel est celui de nous qui ne se rappelle avec amour les premiers ouvrages qu’il a dévorés ou savourés ? la couverture d’un bouquin poudreux que vous retrouvez sur les rayons d’une armoire oubliée ne vous a-t-elle jamais retracé les gracieux tableaux de vos jeunes années ? N’avez-vous pas cru voir surgir devant vous la grande prairie baignée des rouges clartés du soir lorsque vous le lûtes pour la première fois, le vieil ormeau et la haie qui vous abritèrent et le fossé dont le revers vous servit de lit de repos et de table de travail, tandis que la grive chantait la retraite à ses compagnes et que le pipeau du vacher se perdait dans l’éloignement ? Oh ! que la nuit tombait vite sur ces pages divines !

George SAND, Lettres d’un voyageur. Calman-Lévy.



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mercredi 6 août 2008

La porporina

La Porporina.

Il y avait six ans qu’elle avait épousé André Sylvéal et elle songeait peut-être qu’elle n’avait que changer de cloître. Ils habitaient ce vieil et spacieux appartement de la rue Visconti depuis le lendemain de leur noce.

Il avait horreur du théâtre ; on ne l’invitait nulle part, il avait découragé toutes les tentatives ; il travaillait et recevait seulement quelques amis. Denise ne se plaignait pas, et André était persuadé que cette belle femme un peu froide partageait ses goûts. Sans doute elle n’était pas malheureuse, mais André seul était heureux. De quoi aurait-elle pu se plaindre ? ils possédaient quelques rentes ; son mari l’adorait, et elle l’aimait.

Des intimes venaient, dînaient, causaient dans les pièces tièdes et débordantes de livres… La tasse à ses lèvres trop rouges, elle buvait le thé lentement, en abaissant sur ses yeux noirs de lourdes paupières bistrées. Elle écoutait Lionel Descharmes qu’elle préférait à tous les autres et qui était le familier le plus assidu de la maison. Il avait la manie de baptiser les gens, et il appelait Denise la Porporina, depuis le soir où elle avait piqué dans ses cheveux une rose rouge, un soir où le Président de la République, après un dîner offert au roi d’Espagne, de passage à Paris, recevait à l’Elysée. Elle songeait souvent à ce gala. Elle était un peu intimidée et est très belle. Pour la première fois de sa vie, elle portait une robe décolletée qui montrait ses bras nus, ses épaules de marbre, les camélias secrets et chauds de sa gorge.

Léo Larguier / La trahison d’Eurydice – Le livre contemporain,1947

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samedi 2 août 2008

La femme parfaite

La femme parfaite.

J'ai parcouru le monde à la recherche de la femme parfaite. Après dix ans de recherche, je me suis résolu à rentrer chez moi.
Mon meilleur ami m'a demandé :
- Alors ? Tu l'as enfin rencontré ta femme parfaite ?
Je lui ai répondu :
- Au sud, oui, j'ai trouvé la plus belle des femmes. Ses yeux étaient de braise, ses cheveux étaient d'or et son corps, pareil à celui d'une déesse.
Mon ami était enthousiaste :
- Pardi ! Tu en as fait ton épouse ?
- Malheureusement, elle n'était pas parfaite, car elle était très pauvre. Alors, j'ai exploré le Nord et j'y ai rencontré une femme qui était plus riche que toutes les femmes de la terre réunies ! Elle ne savait même pas à combien s'élevait sa fortune !
- Alors, celle-ci, c'était la perfection, non ?
- Non, lui répondis-je. Le problème, c'est qu'elle était la plus vilaine créature que j'aie jamais vue de ma vie. Finalement, j'ai fui à l'Est et là-bas, j'ai fait la connaissance d'une femme belle, riche et intelligente. Elle, oui : elle était parfaite...
- Eh bien... tu es marié avec elle ? demanda mon ami.
- Non. Parce que malheureusement, cette femme parfaite était aussi à la recherche de l'homme parfait !

Quand on recherche la perfection, il y a fort à parier qu'on trouve... la déception. Nul ni rien n'est parfait en ce monde. Il faut se résoudre à rencontrer l'imperfection et, parfois, à savoir rabaisser ses exigences. Nous-mêmes, sommes-nous toujours parfait pour exiger d'autrui qu'il le soit ?

Mieux : la perfection n'est-elle pas dans le renoncement à rechercher la perfection ?
Finalement, la véritable beauté n'est-elle pas dans ces petits défauts, dans ces anomalies qui nous rendent l'autre encore plus proche, plus semblable, plus cher ?

Christian Godefroy


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mercredi 30 juillet 2008

Du "Londres" dans Berlin

Du « Londres » dans Berlin.

Le narrateur, originaire de Pologne, suivait des études d’art dans l’atelier Herr Fackelmann, en Allemagne. Il cherchait une pension où séjourner…

A Schöneberg, dans le Hauptstrasse, entre le Lindenpark et le jardin botanique, je connaissais une pension délicieuse, où régnait le confort anglais. Le vestibule et le lounge s’y habillaient des enroulements de convolvuli et de jalap d’un papier peint William Morris à fond tendre ; une moquette à ramages y étouffait les pas. Quand cinq heures sonnaient au carillon Westminster, on y servait le thé – avec un nuage de lait -, dans des tasses commémoratives d’Edouard VII. C’est en y raccompagnant Miss Arabella Steward, une condisciple de l’atelier, que j’avais découvert la pension Atkins et que j’avais été aussitôt séduit par son ambiance exotique. Mrs Atkins, une quadragénaire affable et férue de small talk, s’était ingéniée à faire tenir entre les quatre murs de son établissement tout son patriotisme et toutes ses nostalgies. Elle avait ainsi créé un de ces havres pour exilés inacclimatables, véritables petites enclaves du pays d’origine en terre étrangère, comme il en existe, insoupçonnées, dans chaque capitale du monde. La pension Atkins me proposait un coin de Londres dans Berlin et le dépaysement imaginaire dans le dépaysement réel. Par ex tension, le quartier de Schöneberg alentour, aéré et verdoyant, m’évoquait celui de Kensington que je ne connaissais pas. Cette confusion géographique flattait en moi une disposition ambiguë dont j’ai souvent vérifié depuis la permanence, et qui veut que même dans les villes où je suis le plus heureux de me trouver, je ne déteste pas de me donner l’illusion que je suis ailleurs encore.

F.-Olivier ROUSSEAU, La gare de Wannsee, éd. Grasset 1988


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